Le téléphone sonne en transatlantique que tout est bien, que tous sont bien, que tout va bien là où grâce à dieu il est bien d’être. M-a-k-a-y-n mouchkil ! Banal.
Bonne nouvelle: La jeune mariée attend! Le test de grossesse est positif qu’a dit le Doc de la grande clinique bien reputée (?) au beau milieu de Rabat.
.. Un tout ti’ problème -normal a dit le t’bib- : Elle a très mal au coté, et elle a passé toute la nuit à la clinique..
Je reçois «bonne nouvelle», deuxième main, avec les inflations d’usage. Très content. Tombe la question: -Pourquoi à ton avis on l’a renvoyé de la clinique alors qu’elle a encore si mal? la pauvre! Figure toi, son Docteur a dit qu’il ne peu rien faire.. Avant Mardi. La pauvre! - pourqu.. on m'interrompt, normal.. -..Pour refaire les analyses, les ultrasons, pour voir le bébé.. parce qu’ils n’ont encore rien vu. - Pourquoi elle a mal? -… ? Rappels transatlantiques pour en savoir plus.. Les détails s’amplifient et inquiètent.
On appel le Gynéco là où un toubib est plus facile à joindre qu’à Rabat: à l’étranger.. L’Amérique tiens! Le toubib américain a l’instinct dérangé. Il interrompt sa consultation et appelle lui même la souffrante.. -Questions pointues.. et le diagnostic tombe come un météorite: GEU (grossesse extra utérine) rompue, hémorragie interne, super urgent: Lâchez tout, appelez une ambulance, Il ya danger de mort. Faut opérer en urgence.. Wow! Je déteste les funérailles, surtout des jeunes mariées !
Shopping téléphonique intensif depuis les US pour un toubib au Maroc.. le premier chirurgien joignable ce vendredi soir heure marocaine est à Casablanca.. Le Mari est ordonné en route avec sa femme, dans la voiture, direction Casa. Immédiatement. Interdit de réfléchir. Le chirurgien casaoui interrompt son diner, somme l’anesthésiste, prépare le Bloc opératoire, ordonne du sang "donneur universel" en avance.. Prêt!
Une heure plus tard l’infermière du bloc prend mon appel. -Le docteur est occupé avec une urgence sans pouls qui vient d’arriver en catastrophe.. coma hémorragique.. pas sûr si elle s’en sortira, rappelez plus tard.. click!
Les idées croisées, accroupi sur mon impuissance comme font ces milliers de pau’v gens sans-où-aller, qui longent les murs de nos hostos tatoués par des brulures en cascades d’acide urique qui leur tâchent la chaux. Une chaux palie par tant de corps qui s’y frottent en suant la galère. Des crottes-toutes-espèces desséchées au pied de ces enclaves sans fin que des cafards fricotent comme pour amuser les tueurs, disons du temps, pour ne pas finir en prison. Des mouches qui négocient des crachats frais-mousseux qui coulent le long d’une pierre, d'une babouche qui a perdu son pied, d'une drink rose-brique qui a servi un aube du ramadan passé.. J’arrête.
Accroupi sur mon rien-à-faire comme un tas des comme moi qui ne peuvent rien, j’attends.
Deux siècles plus tard, la délivrance sonne: -.. bonne nouvelle! Elle a faillit y passer ! elle a perdu plus de la moitié de son sang.. Elle est en réa.. sans respirateur pour le moment.. on verra demain.. Elle est jeune et grâce à vous elle s’en sortira..